Entretien avec M. Juan Espadas Cejas, Maire de Séville
Nous vous présentons la version complète de l'entretien avec le Maire de Seville, M. Juan Espadas, publié dans le cadre du Bulletin 27 de l'AIVE
Quelles caractéristiques de votre ville mettriez-vous en avant ?
Séville est une ville moderne avec des racines historiques profondes et un rôle très important joué au cours des siècles dans des faits marquants tels que le premier tour du monde de Magellan et Elcano, dont nous commémorerons le cinquième centenaire à partir de 2019. Le patrimoine et la culture ont fait de Séville une ville touristique de référence internationale, une magnifique carte de présentation au monde dont il faut profiter pour attirer les investissements, et pour compter sur la Séville du XXIème siècle dans laquelle nous nous sommes engagés : innovatrice, smart, durable, habitable, sociale, inclusive, intelligente, adaptée.
L’éducation est-elle une priorité dans votre Programme municipal ? Pourquoi ?
Sans aucun doute. L’éducation n’est pas seulement un excellent moyen de changer le monde : c’est le seul moyen qui nous permettra de le faire. Depuis 1990, dans la cadre du Ier Congrès International des Villes Éducatrices célébré à Barcelone, la Mairie de Séville a signé la Charte des Villes Éducatrices et, par conséquent, la mise en œuvre des principes qui y sont contenus.
Parmi les principes contenus dans la Charte des Villes Éducatrices se trouve le numéro 5, qui nous dit que “Les municipalités exerceront avec efficacité les compétences qui leur correspondent en matière d’éducation”.
Ce principe est la force motrice de la Mairie de Séville qui, sous la devise “Séville, Ville Éducatrice” encourage et favorise la coordination entre les différents secteurs et les entités municipales. Le Plan d’Action pour l’Éducation de la Mairie de Séville en est le résultat. Ce Plan, avec unicité dans sa présentation, et aux buts et objectifs communs à atteindre par la Corporation Municipale, met l’accent sur l’amélioration de la qualité de l’Éducation de la Commune, comme une preuve supplémentaire du concept de Ville Éducatrice partagé entre tous.
Il propose une vaste politique d’éducation municipale, à caractère transversal et novateur, englobant toutes les modalités de l’éducation formelle, non formelle et informelle.
Séville coordonne le Réseau de l’État des Villes Éducatrices ; avec près de 200 municipalités, il s’agit du réseau le plus nombreux de l’AIVE. Qu’est-ce que cela signifie pour votre ville de coordonner ce réseau ?
Au cours de cette période de coordination du REVE, cinq réseaux thématiques ont été mis en place. Ces cinq réseaux thématiques, dont les groupes de travail sont composés de représentants des Mairies de différentes villes appartenant au REVE, ont un intérêt commun pour un thème spécifique de leur gestion municipale et la volonté d’échanger des expériences à cet égard dans les domaines de l’éducation formelle, non formelle et informelle. Leur but est d’approfondir l’étude de ce thème et d’en tirer des conclusions pratiques qui optimisent leur travail concret, pour le proposer au reste des villes appartenant au réseau de l’état lors de la XIVe Rencontre d’État des Villes Éducatrices.
Au cours du premier trimestre 2019, la ville de Séville organisera une réunion des villes andalouses, dans le but de promouvoir et de rapprocher la Charte des Villes Éducatrices des municipalités andalouses, et de fournir un espace de réflexion et d’échange d’expériences éducatrices autour du sujet choisi ; des expériences éducatrices y seront présentées, permettant ainsi une réflexion et une avancée dans le discours de Villes Éducatrices.
Le travail des villes en réseau peut contribuer à atteindre des objectifs locaux et globaux. L’accomplissement des 17 ODD est l’affaire de tous. Voulez-vous profitez de cette tribune pour suggérer une action commune à développer aux près de 500 villes composant l’AIVE ?
Je suis convaincu par le travail en réseau, et convaincu que nous devons nous attaquer aux problèmes mondiaux avec des solutions locales. Tous les engagements publics et institutionnels assumés par la Mairie de Séville vont dans ce sens : les ODD, le Pacte des Maires, la Déclaration de Séville pour l’Économie Circulaire, notre contrat de marché public avec des critères durables environnementalement et socialement… En fait, l’année dernière, nous avons lancé un Forum des Gouvernements Locaux où nous pouvons nous réunir pour analyser les problèmes communs et proposer également des solutions communes.
En matière strictement éducative, le problème de l’absentéisme scolaire et de l’abandon scolaire précoce doit être une priorité pour toutes les villes. Les deux ont été le résultat d’un Réseau Thématique lors de l’étape précédente.
Mais aborder aussi de nouvelles réalités au sein de l’environnement scolaire et en dehors de celui-ci, telles que le harcèlement scolaire, le cyberharcèlement ou comment travailler également à partir d’expériences de réussite scolaire qui placent nos écoles parmi les meilleures.
Pour cela, nous réitérons à nouveau l’importance que les Mairies aient les compétences qui protègent notre travail dans l’interaction école-ville. Pour avoir des villes inclusives et mettre fin aux inégalités, l’éducation est un outil de valeur transcendantale.
Pouvez-vous nous expliquer une bonne pratique en matière d’éducation à la citoyenneté à Séville afin de favoriser un changement de modèle et un mode de vie plus durable ?
Un bon exemple serait le Programme Écoles de familles, dont l’expérience sera exposée au XVème Congrès International des Villes Éducatrices à Cascais (Portugal).
L’expérience est développée dans notre ville, avec une population de près de 700 000 habitants et répartie sur le territoire dans 11 districts municipaux.
Depuis ses débuts en 1999 jusqu’à aujourd’hui, 336 centres éducatifs ont travaillé avec le programme, atteignant une population de près de 10 000 participants.
Ces écoles de famille sont gratuites et s’adressent à tous les quartiers de Séville, en ayant une incidence sur les Zones de Besoins de Transformation Sociale, et elles couvrent toutes les étapes de l’enseignement.
Lorsque nous abordons la tâche difficile de l’éducation de nos fils et de nos filles, dans la plupart des cas, nous ne sommes pas ou ne nous sentons pas préparés à cette tâche, car l’éducation ne consiste pas seulement à satisfaire les besoins de base, mais aussi à guider le développement de toutes leurs capacités. Les familles sévillanes nous demandaient un espace de participation dans lequel pouvoir aborder et réfléchir à des questions relatives à l’éducation de leurs enfants, conscients des défis de la société d’aujourd’hui, en mutation constante.
Ce n’est qu’en formant de manière adéquate les nouvelles générations de Sévillanes et de Sévillans, et en leur fournissant les moyens qui leur permettent de bénéficier d’un regard critique et des connaissances nécessaires pour parvenir à une croissance personnelle optimale, que nous serons capables de garantir un meilleur avenir à tous ceux et à toutes celles autour de ces clés.
Quels mécanismes existent à Séville pour que les citoyens puissent contribuer à la co-construction de la ville ?
Notre action gouvernementale repose sur une écoute permanente. Il ne pourrait en être autrement dans une ville où le tissu associatif actif est aussi vaste et diversifié.
La structure même de la prise de décisions dans la ville est plurielle et participative. Les 11 districts ont leurs propres mécanismes de participation par le biais des Conseils Municipaux où le mouvement associatif élu démocratiquement participe, et où les sujets de plus grand intérêt et de proximité pour l’habitant, y compris la destination des investissements visant à améliorer les quartiers, sont débattus et approuvés. Il existe également de nombreux conseils citoyens sectoriels (femmes, consommation, enfants et adolescents …), et par leurs sessions passent obligatoirement les décisions de la ville qui régulent notre cadre de coexistence. En outre, au cours de ce mandat, une plateforme a été mise en place pour le vote des propositions et l’élaboration de consultations citoyennes.
En suivant cette ligne, comment la définition du Plan Stratégique 2030 est-elle développée ?
Il s’agit d’un processus de planification ouvert et dynamisé à travers une méthodologie basée sur la participation, développant des processus d’écoute, de détection d’intérêts et de besoins, et de génération d’accords et de consensus sur les principaux défis de la ville et sur la manière de les affronter. Il doit en être ainsi car ce sera le document qui marquera la voie de la ville que nous voulons être, en nous marquant des défis ambitieux, en pensant aux Sévillans d’aujourd’hui, mais surtout aux générations qui hériteront de la ville que nous serons capables de construire ensemble. C’est pourquoi non seulement les secteurs de production ou la spécialisation intelligente du territoire ont autant de poids dans la stratégie, afin de rivaliser dans la meilleure position possible dans le panorama mondial, mais aussi tous ces piliers sociaux, humains et d’égalité qui font de nous une société de valeurs et de coexistence.
Votre ville a récemment fait un investissement important dans la formation et les plans d’emploi dans les quartiers défavorisés. En quoi consiste le Plan Integra ?
Pour ce gouvernement, la génération d’opportunités d’emploi est une priorité incontestable. Pour cela, nous avons décidé de relever le défi sur différents fronts possibles. L’un d’eux est le programme propre et innovant que nous appelons « Integra » et qui, dans sa première édition, a réussi à dépasser les attentes et les objectifs minimaux que nous nous sommes fixés en matière d’insertion professionnelle et de portée des projets.
Dans cette deuxième édition, nous commençons par des objectifs encore plus ambitieux que nous espérons atteindre en collaboration avec toutes les entités. Ces projets sont fondamentaux pour de nombreux chômeurs de longue durée, qui constituent une priorité pour ce gouvernement prêt à s’engager dans des politiques d’emploi et d’innovation sociale.
La population cible de tous ces programmes est constituée par des personnes au chômage recensées à Séville, en recherche active d’un emploi qui, pour diverses circonstances économiques, sociales et personnelles, présentent une vulnérabilité sociale plus grande, telle que : les jeunes de moins de 30 ans, les plus de 45 ans, les chômeurs de longue durée, les personnes handicapées, les personnes victimes de maltraitance physique ou psychique, les immigrants et les personnes en cours de réadaptation ou de réinsertion sociale. C’est un programme pour l’emploi dont nous attendons beaucoup et qui est positif dans de nombreux aspects du prisme : il est participatif, pluriel, collaboratif et se distingue par ses résultats.
Au cours de votre mandat, le positionnement international de la ville a été l’un des objectifs. Actuellement, la ville a connu des chiffres touristiques record. Comment travaillez-vous à Séville pour que la coexistence entre résidents et visiteurs soit bonne ? Et comment parvenir à un tourisme durable ?
Au cours de ce mandat, nous voulons promouvoir la bonne réputation de Séville qu’elle a toujours eue face au monde. Retrouver ce rôle géostratégique en tant que capitale de l’Europe du Sud, porte de l’Amérique et limite naturelle de lien avec l’Afrique du Nord. Nos atouts pour nous positionner résident dans l’importante puissance touristique que nous possédons aujourd’hui, avec des chiffres de croissance spectaculaires que les citoyens ont naturellement assumés, en gérant et en apportant des réponses aux inconvénients logiques que cela peut générer. Cependant, à Séville il ne se produit pas de phénomènes aussi exclusifs que la tourismophobie qui existe dans d’autres villes. Dans le positionnement de la ville, le grand nombre de congrès de grande envergure que la ville est en mesure d’attirer a pris une valeur particulièrement importante au cours des dernières années. Grâce à ses excellentes installations et communications, mais aussi évidemment grâce à la ville accueillante que nous sommes. Il convient de souligner les congrès où les politiques et les investissements futurs sont également discutés et décidés dans des secteurs tels que l’industrie du tourisme elle-même ou les liaisons aériennes, entre autres.
Il ne s’agit pas de faire un tourisme durable de manière isolée, il s’agit de construire ensemble une ville durable dans laquelle le tourisme est une partie (importante) de plus. En cela, il faut mesurer les capacités et les combiner avec le quotidien de la ville, comme nous l’avons fait sans même nous approcher des problèmes de saturation et de paralysation qui existent ailleurs ; nous avons beaucoup à apprendre de leur expérience.
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